A.Margaret Mead, Sex and Temperament in three primitive societies
B.Enluminure, Les anciennes hystoires rommaines, f°212 recto, Birth of Julius Caesar, British Library
C.Masque Mundugumor
D.Henry Daventer, The Art of Midwifery improved, London, 1716
E.Machine de Madame du Coudray pour enseigner l’art de l’accouchement, XVIIIème siècle, Musée Flaubert, Rouen
F.Carte du nord de la Papouasie-Nouvelle Guinée
G.Sigmund Freud, Beiträge zur Psychologie des Liebeslebens / Contribution à la psychologie de la vie amoureuse / Contributions to the Psychology of Love
H.Abrégé de l’art des accouchements par Madame Le Boursier du Coudray, 1777
I.Illustration from Henry Daventer, The Art of Midwifery improved, London, 1716

Il y a quelques années, en écoutant l'émission de France Culture La Fabrique de l’Histoire, j’appris l’existence d’une “machine à accoucher”, sorte de mannequin destiné à l’enseignement de l’art de l’accouchement, fabriqué pour Madame du Coudray, sage-femme, au XVIIIème siècle.

Tout de suite, un rapprochement s’est fait dans mon esprit avec le mannequin d’Étant donnés de Marcel Duchamp. Il semblait plus que probable que l’artiste, avait, lors d’un de ses séjours à Rouen, vu ce mannequin et qu’il en avait été marqué au point que sa dernière œuvre en dérivât.

Comme d’habitude, mon travail consista à recueillir des documents sur les différents thèmes abordés que je copiais ensuite et juxtaposais en un polyptyque que je nommais Parto, en hommage à la Madonna del Parto (Madonne de la parturition) de Piero della Francesca. La Madonna del Parto (Vierge de la Parturition) est visitée encore aujourd’hui à Monterchi par de nombreuses femmes enceintes.

La forme du polyptyque est habituelle dans mon travail, elle est à la fois très ancienne puisque c’est la forme privilégiée de la peinture siennoise du Trecento, tout en étant très actuelle puisque c’est aussi la forme que prennent les multiples fenêtres ouvertes sur l'écran de notre ordinateur.

J’adoptais pour Parto la forme d’un polyptyque particulier, celui du retable de l'église SM à Montelungo, qui figure aujourd’hui dans la collection de la National Gallery de Londres peint par un artiste du Duecento qui m’est cher : Margarito d’Arezzo.

Au centre, remplaçant la Vierge, je figurai le mannequin de Madame du Coudray qui me rappelait la dernière oeuvre de Marcel Duchamp, Étant donnés, 1. La chute d’eau 2. Le gaz d'éclairage. Lorsque je peignais le mannequin, j’avais en tête la façon particulière de peindre de Felice Casorati, peintre italien dont les corps semblent dégager une lumière intérieure.

Je travaille sur les liens entre des choses habituellement perçues comme distinctes, sur des éléments ni trop proches, ni totalement étrangers. Les polyptyques s’apparentent en quelque sorte au jeu de dominos, quand des pions, dispersés en début de partie, se trouvent petit à petit liés les uns aux autres au fil des combinaisons. Très souvent, je fais intervenir mes deux pays d’origine la France et la Grande Bretagne. La naissance étant l’un des sujets du polyptyque, je tenais à ce que les deux langues soient présentes et je trouvai, complétant le texte du livre écrit par Madame du Coudray, L’Abrégé de l’Art de l’Accouchement (1777), un texte anglais écrit une cinquantaine d’années auparavant, The Art of Midwifery improv’d (1716).

En même temps, deux textes revenaient à ma mémoire, sur lesquels j’avais déjà travaillé auparavant : celui de Freud, datant de 1910, sur le traumatisme de la naissance et celui de l’anthropologue américaine Margaret Mead sur les Mundugumor, tribu de Papouasie, publié en 1935. L’un parlait du traumatisme de la naissance que Jules César, né par césarienne, n’aurait pas connu ; et l’autre du fait que chez les Mundugumor, ne peuvent être artistes que les personnes nées avec le cordon ombilical autour du cou, ce qui fut mon cas lors de ma naissance. Je recopiai donc les passages des deux livres ainsi que des documents se référant aux Mundugumor : carte de Papouasie tirée d’un atlas qui avait appartenu à mon père et image d’un masque Mundugumor publié dans le livre de Margaret Mead.

Je compare mon travail, qui consiste à copier et rapprocher des documents, au travail des copistes médiévaux qui copiaient des textes qu’ils enluminaient parfois. Aussi ai-je travaillé, il y a quelques années sur une série, Copie de Copistes, où je copiais des enluminures médiévales figurant des copistes, souvent en fait des représentations des évangélistes. Le hasard a fait que, cherchant des documents sur la Césarienne de Jules César, j’ai trouvé une enluminure médiévale figurant cette histoire.